samedi 30 avril 2011

Le patriotisme économique en Algérie

Aujourd’hui, le barrage de Réghaïa n’est pour rien dans ce que je vais écrire ! Néanmoins, compte tenu du nom que porte ce groupe, il m’a bien fallu trouver un lien entre mon sujet et cet instrument républicain dédié à
la défense de nos administrateurs, de leurs administrés. Ça n’a pas été facile mais c’est chose faite.

Je vais donc parler du patriotisme économique version trilogie gouvernementale. Sujet largement galvaudé depuis maintenant 2 ans et qui a fait couler de l’encre (des larmes de joie de certains Lobbies aussi !) et a engloutit des forêts entières  en papier (importé par lettre de crédit bien évidemment).

La Lettre de Crédit en tant qu’instrument de patriotisme économique…

Pour la petite parenthèse technique, le crédit documentaire (Credoc ou lettre de crédit), sans vouloir revenir sur ses définitions académique, technique et trabendique, est un instrument de paiement des transactions internationales (et nationales pour certains cas notamment aux USA) qui, devant l’absence de connaissance mutuelle et donc de confiance, entre le fournisseur d’un bien ou service et l’acheteur, généralement étranger, de ce bien ou service, fait intervenir des tiers réputés solvables. Les banques interviennent donc, en garants « bailleurs de confiance » afin de garantir à l’un le paiement sans défaut de ses biens ou services vendus et, à l’autre, la bonne fin du volet documentaire de la transaction (C'est-à-dire que tous les documents demandés sont bien présentés dans les conditions requises par lui). Mais le plus important, est qu’il est communément admis que la lettre de crédit est un instrument qui protège l’exportateur et lui fournit, GRATUITEMENT, une trésorerie inespérée !

Ceci pour la partie technique (et aussi pour ceux qui douteraient de mon expertise !).

Maintenant, je vais parler un langage beaucoup plus simple. Celui que le citoyen lambda pourra comprendre, car c’est bien ce citoyen la qui, à 98%, subit les bienfaits et les méfaits de ce type de décisions.
En guise de bienfaits, nous ne reviendrons pas sur les vertus de l’organisation de la chaine logistique, de sécurisation des approvisionnements du pays, de crédibilisation des intervenants Algériens auprès du reste du monde, et j’en passe et des meilleures. Des arguments tellement peu crédibles et irrationnels qu’il a fallu envoyer des ministres sur le terrain pour essayer de convaincre du contraire !

Revenons donc à la réalité du terrain…

Le commerce international en Algérie a connu une ouverture graduelle depuis 1994, avec, pour principale nouveauté, l’intégration des opérateurs privés. Par manque de confiance, la quasi-totalité des fournisseurs étrangers nous imposait des paiements par  « lettre de crédit irrévocable et confirmée par une banque Européenne et payable à vue auprès d’une banque Européenne ». Dans les faits, ces banques Européennes refusait de confirmer les tirages de lettres de crédit des banques Algériennes, les considérants comme non solvables et ne faisant pas partie des banques de premier ordre! Une manière comme une autre de glaner des commissions supplémentaires en ayant recours à des institutions tierces.

Cela ne date pas d’un siècle, ni de 50 ans mais d’à peine  20 ans !

Il a même fallu créer un organisme financier basé à Paris et spécialement dédié à la confirmation des tirages des banques Algériennes. Nos institutions financières étaient de véritables pestiférées alors même que le pays honorait ses dettes rubis sur ongle, au risque d’affamer le peuple. Voilà, Chers compatriotes comment nous traitaient nos valeureux  « partenaires fournisseur » dont une bonne partie dépendaient du commerce avec l’Algérie pour leur développement socio-économique (à l’image du secteur du blé en France).

Les importateurs et producteurs Algériens durent lutter durant 2 décennies, en montrant pattes blanches, afin de gagner la « CONFIANCE » de leurs fournisseurs étrangers et, de ce fait, obtenir des facilités dans le processus d’importation, réduisant ainsi les délais et les coûts, qui à leur tour, se répercutent sur les prix à la consommation. Au fait, nous avons atteint (Enfin !) une situation de crédibilité telle que les éléments plaidant le recours au crédit documentaire, ne se justifiaient plus.  Une véritable prouesse en si peu de temps et avec autant de contraintes, notamment en matière de contrôle des changes et de contraintes douanières.

Aujourd’hui, au nom d’un « patriotisme économique » à peine réfléchit, conçu par des gens qui n’ont, vraisemblablement,  jamais mis les pieds sur le terrain, le travail de toute une génération d’industriels et d’importateurs (des vrais ! Si si il y’en a !), véritables pionniers de ce qui constituait les prémices d’une business class à l’Algérienne et, faisant montre d’une certaine intelligence dans la pratique du commerce international, a été réduit en poussière.

En fait, afin de bien situer l’absurdité d’une telle mesure, je vais procéder par un exemple simple. Imaginez-vous, face à une vieille connaissance, gagnant bien sa vie et capable de contracter et d’honorer des engagements,  qui viendrait vous emprunter une somme d’argent. Quoi de plus naturel, me diriez-vous.  Maintenant imaginez que juste derrière lui, son propre père (son conjoint ou son patron)  vous appelle pour vous dire « attention s’il ne te donne pas des garanties, ne fait rien ».

Que feriez-vous ? Franchement !
Cet Ami restera-il votre ami pour longtemps ?
Prendriez-vous le risque de continuer à le fréquenter ?

En fait, près de 20 ans après avoir été précipités et maintenus au rang de sous pays (au titre des échanges internationaux) nous voilà, à peine sortis du gouffre, en train de repiquer de la tête, comme pour définitivement consacrer la justesse d’un véritable « syndrome de Stockholm » à l’échelle étatique.

En fait, là où cette mesure est inadmissible, c’est qu’au moment où notre pays, débarrassé de sa dette extérieure et disposant d’une manne financière à même de lui permettre de « s’offrir » le must du must en matière de technologies (et de produits). Au moment où nos opérateurs (de plus en plus professionnels et surtout mâtures) commencent à imposer leurs conditions financières à des fournisseurs en mal de débouchés pour leurs produits et se trouvant en situation de crise multidimensionnelle (renversement de situation !). Nous, braves Algériens, volons au secours de cette Europe (principalement) en pleine crise systémique et monétaire, en lui « offrant » des liquidités fraiches et trébuchantes, afin de sauver leurs industries vieillissantes au détriment de NOS INDUSTRIES NAISSANTES ! Et accessoirement, du consommateur Algérien (mais qui s’en soucie vraiment !).

Au moment où, l’Algérie dispose de grandes capacités financières susceptibles de lui permettre de s’équiper et de renouveler ce qui doit l’être, nos valeureux « patriotes économiques » interdisent le recours aux équipements de second marché (rénovés et certifiés) afin, toujours, de « sauver » les industries (et les concessionnaires du neuf) de nos partenaires commerciaux.  Notons au passage que les plus grandes plates-formes commerciales mondiales portent, logiquement dirions-nous, sur le second hand, dont les grands groupes industriels eux-mêmes se sont emparés.

Au moment où notre pays dispose d’une véritable fenêtre ouverte sur une multitude d’offreurs de renom et de fournisseurs de tout ce que nous voulons (produits, formations, savoirs scientifiques, technologies), nos dirigeants, triplement mandatés (à quelques permutations près), s’amusent à museler toute initiative d’entrepreneuriat nationale, pourtant seule garante du développement économique des nations (Chine, Turquie, Corée du Sud).

Alors franchement, quelques questions me titillent le ciboulot.
1.  Est-il si important « d’organiser » et de « mettre de l’ordre » dans le secteur de l’importation et de « superviser » la chaine logistique des approvisionnements de notre Cher pays, au point d’offrir nos ressources (dont la providence du développement effréné des autres champions du tiers monde et notre sous-sol nous ont gratifié) à nos partenaires commerciaux aux fins, inavouées et inavouables, de maintenir les cohésions sociales au sein de leurs pays ?

2.       Est-il primordial, voire vital, pour notre développement socio-économique et le bien-être du citoyen Algérien, de disposer d’un marché à l’import « bien organisé », quitte pour cela à faire avorter l’embryon en gestation d’une industrie Algérienne conçu par des Algériens ?

3.   La sauvegarde de l’outil productif Algérien (je dis Algérien afin d’évacuer le complexe de public-privé) ne vaut-elle pas quelques efforts de Brainstorming afin de lui faire appliquer des clauses favorables pour son développement ? (tel que cela fut le cas pour des pays comme la Chine lors de la préparation de son adhésion à l’OMC) 

4.   N’est-il pas ridicule de parler d’organisation du marché du commerce international dans un pays qui ne dispose même pas d’un marché national, même dans sa plus simple expression ?

5.    N’est-il pas plus facile d’aller directement au but et d’inquiéter ces fameux « barons de l’informel », dont même le discours officiel s’en fait le relais officiel, et  qui se jouent de la république et déjouent ses lois et ses institutions ?    

Et, franchement, est-il crédible de nous rabâcher les oreilles de discours, émissions TV et radio, articles de presse et autres manifestations (forts coûteuses !), sur la promotion de la création d’Entreprises et de la nécessité du soutien et du développement des PME, alors que la survie des industries (PME) existantes est sérieusement remise en cause ? (cas de la filière de transformation des tomates complètement démantelée).
Nous sommes même le seul pays au monde (à ma connaissance) qui légifère pour la création de 200.000 PME sans qu’il en soit référé aux principaux concernés : les Entrepreneurs (existants et nouveaux). En fait, ce concept est tellement étranger à ses « législateurs » qu’ils pensent pouvoir le solutionner à coup de… décrets !

Mais Messieurs, l’Entrepreneur n’a pas besoin d’un décret pour décider de ce qu’il est (ou de ce qu’il sera !). Il a juste besoin d’un environnement favorable à la création, développement ou reprise d’Entreprises.  Un simple jeu aux règles très simples que même des gamins, à peine sortis de la puberté, savent maîtriser sous d’autres cieux.

Et le consommateur Algérien de base dans tout ça ?

Eh bien notre consommateur continuera à consommer des produits sur-subventionnés et ne saura jamais qu’il contribue activement à l’appauvrissement de son propre pays. Qu’il met en joue l’avenir des générations montantes. Car avec seulement la moitié des subventions versées pour le soutien des produits dits de premières nécessité, par exemple, nous pourrions développer une véritable filière de production de lait, indépendante et capable même d’activer à l’export. Mais es-ce raisonnable qu’un pays consommateur chronique devienne lui-même fournisseur avec des conditions forcément concurrentielles et viennent, tel Hannibal, cet autre Africain, « porter la guerre » sur le sol sanctuaire de l’Europe ?

Es-ce dans l’intérêt des « Barons » ? (les nôtres, les leurs ou y aurait-il probablement communauté d’intérêts !)

Ce qui est sûr, c’est que nous sommes acteurs et spectateurs à la fois d’une faillite programmée de notre économie. Les augmentations des prix des hydrocarbures rapportent de la trésorerie, certes, mais ne sont pas forcément synonymes d’apport de richesses. Pire encore, cet écran (flou) financier, nous empêche de voir la vérité. Car, en fait de richesse, celle-ci se mesure plutôt à la qualité de la composante humaine d’une nation et sa capacité à se transcender, à créer et à innover.

La liberté d’être, la liberté de faire et la liberté de dire, sont les principaux ingrédients de la liberté d’entreprendre. Cela suppose une totale liberté de commercer.

Mais au fait, et le barrage de Réghaïa dans tout ça !!

Eh bien si au lieu de le confiner à des tâches ingrates de gardien de la porte Est de la Cité, nous l’avions plutôt placé à l’entrée d’une certaine institution sise rue du Docteur SAADANE, je parierais, sans risque de perdre le moindre Dourou, qu’il aurait empêché nos « patriotes » de rejoindre leurs bureaux et, de ce fait, …
 
Mouloud BLIDI
Expert Consultant
Ex-cadre Financier et Dirigeant d’Entreprise
Administrateur du Groupe Facebook : MARRE DU BARRAGE DE REGHAIA !! (ALGERIE)
e-mail : mouloud.blidi@gmail.com      

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